Eugène, mon ami
- Ewena Guennoc-Monot
- 30 déc. 2020
- 4 min de lecture
30/12/2020

Président-fondateur de Gouesnou pour Vous, infatigable bénévole de la Ville de Gouesnou, Eugène David s'est éteint à l'âge de 74 ans. Stéphane Roudaut rend hommage à son ami et indéfectible soutien.
Eugène David est parti. Un conseiller, un homme de bien qui m’accompagne depuis que je suis devenu maire. Et nous étions nombreux aujourd’hui à penser à lui, auprès de sa famille.
Avant de te dire adieu Eugène, mon ami, voici ce que je voulais te dire :
Eugène, pour Marie-Claude, Nathalie, Françoise, Laurence et Christophe, pour Solange, Emilie et Juliette, tu étais un mari, un père, un grand-père.
Tu étais un fils, un frère, un oncle, un cousin ; tu étais un collègue, un voisin ; tu étais tout cela et tu étais notre ami.
Eugène, tu es mon ami. Celui avec qui on partage.
Et, tu sais, il y a des discours plus difficiles à écrire que d’autres, plus difficiles à prononcer que d’autres. Des textes qu’on aurait préférés n’avoir jamais à écrire et surtout n’avoir jamais à prononcer. Oui, comment rendre hommage à un être qu’on a aimé, en quelques mots? Comment raconter une vie, et surtout la condenser ? Pourquoi ? On ne peut te résumer Eugène.
Finalement, Eugène je me surprends, en fait, à me tenir là debout. Mais je te le dois, nous te le devons ici à Gouesnou.
Tu détestais le facile, le prêt-à-penser, pour toi la vie était nuances. Tu parlais peu de toi, de ta vie, de ton enfance. Mais on devinait à tes mains, tes épaules et à ta voix, le gars bosseur, celui qui envoie, celui qui a croché dedans sa vie durant. Une certaine idée de l’homme aurait-on dit !
Ta famille c’était ta fierté. Ton cocon, ton chez toi. Comme un besoin irrépressible de la protéger, de la couvrir, de la garder au chaud.
Ta famille, tu en parlais, comme celui qui protège encore, et toujours, toujours avec une affection pudique.
Le soir, après nos réunions en mairie, avec quelques copains, et souvent les mêmes, nous refaisions le monde en 15 minutes montre en main : "Au fait, t’as vu, t’as pas lu ça, qu’est-ce que t’en penses, et si, et ça…" Et, une fois léchée la dernière goutte de nectar, nous nous évaporions tous comme une volée de moineaux, mais chacun plus riche, chacun plus chanceux, de toi, de nous, plus riche de l’autre, parce que le monde, après cela, par nos débats, prenait pour chacun un tout autre relief.
Ici, à Gouesnou, ta voix était écoutée, toujours tranquille, sans jamais besoin de la monter.
Et, souvent en fin de phrase, en guise de conclusion, ton œil malicieux nous prenait alors par-dessous tes lunettes, comme pour nous dire, comme pour attendre, comme pour nous faire rire. Je te l’avoue maintenant, il en fallait bien du talent et une certaine dose d’irrévérence pour nous faire rire aux larmes avec un semblant de sérieux.
Eugène, si on pleure aujourd’hui, je t’assure que ce n’est pas de rire.
Ton humilité, réelle, s’accompagnait de convictions profondes et sincères sur lesquelles veillait une certaine idée de la France. Tu ne me répondais rien ou pas grand-chose, mais je sais que je t’énervais en te disant qu’étant né huit ans après la mort du Général de Gaulle… qu’il avait donc pour moi un peu moins d’actualité.
Je voyais ton œil exaspéré, regarder le ciel à m’entendre dire qu’aujourd’hui, pour les moins de cinquante ans, et donc les deux-tiers des Français, que de Gaulle était un aéroport, un porte-avions ou une statue de bronze sur les Champs Elysées… Bing, fermez le ban. Pas touche ! Ouuuh !! Impertinent que j’étais, iconoclaste ! Je dois te l’avouer, je n’en pensais pas un traître mot. Mais tu le savais bien, au fond, j’en veux pour preuve l’appel du 18 juin encadré dans mon bureau que tu aimais tant regarder.
Eugène, je crois pouvoir dire que, depuis que nous nous sommes rencontrés, nous avions gommé nos années d’écart. Si bien que nous convergions sur nos valeurs, nos idées, sur la vie.
« A cœur vaillant rien d’impossible » semblait être taillé pour toi. Mais je l’ai compris après, c’était une maxime, un message que tu voulais transmettre. Notamment lorsque nous parlions de la jeunesse d’aujourd’hui. Ta vie t’avait apporté ce calme, cette sérénité mais qui, comme chez tous les passionnés parfois laisser une digue se rompre.
Ton avis a toujours énormément compté pour moi. Comme un besoin parfois de me rassurer.
Dimanche il y a huit jours, comme un juste retour des choses, tu plaisantais au téléphone et grognais après les infirmières.
Je me disais, tiens, le revoilà et me mettais alors à espérer que nous pourrions fêter ensemble notre victoire avec Gouesnou Pour Vous et refaire le monde, une fois encore, rien qu’une fois encore !
Eugène, ne tremble pas, parce que cette dernière bataille nous la perdons tous un jour où l’autre. Ne tremble pas parce que l’homme que tu es nous a marqués, tous, comme le poinçon du bijoutier. Nous sommes marqués, tous.
Eugène tu étais notre ami, un vrai.
Et nous te disons merci.
Ar wech all !





